Le Tabac d’Espagne, le papillon flamboyant
Le Tabac d'Espagne est un grand papillon orangé qui adore les coins fleuris et ensoleillés. Facile à croiser en été dans toute la France, ce papillon n’a rien à voir avec un cigare, sauf peut-être sa couleur. Et encore.
Suivez le guide.
Qui est le Tabac d’Espagne ?
Sous ses airs de dandy orangé, le Tabac d’Espagne (Argynnis paphia) est un papillon diurne de la grande famille des Nymphalidés, et plus précisément de la sous-famille des Heliconiinae. On le rencontre un peu partout en Europe et jusqu’en Asie, mais c’est surtout dans nos campagnes françaises qu’il aime faire le beau, de mai à octobre, avec un petit pic de présence en été.

Mais d'où lui vient son nom ?
Son nom ? Non, il ne fume pas. C’est juste que sa couleur rappelle vaguement celle du tabac blond. Une inspiration poétique du passé, mais rien à voir avec l’Espagne non plus. D’ailleurs, les Anglais l’appellent “Silver-washed Fritillary” (frivole argentée) et les Allemands “Kaisermantel” (manteau d’empereur). Carrément.
Comment le reconnaître ?
On ne peut pas dire qu’il passe inaperçu.
Le Tabac d’Espagne, c’est entre 5 et 7 cm d’envergure, de grandes ailes orange vif, décorées de taches noires bien marquées.
Chez le mâle, on repère aussi des stries noires parallèles sur les ailes antérieures : ce sont des lignes de phéromones, son arme de séduction massive.
Son vol est rapide, souple, parfois presque joueur. Et quand il se pose, c’est souvent sur une fleur bien ensoleillée, histoire de faire le plein d’énergie (et un petit déj’ à base de nectar).
Le dessous des ailes, une petite merveille
On parle souvent du dessus flashy orange et noir… mais le dessous des ailes postérieures, lui, est vert pâle marbré d’argent. C’est de là que vient son nom anglais “Silver-washed Fritillary”. Quand il replie ses ailes, il devient presque invisible sur une feuille ou une écorce, un vrai camouflage de ninja. Très utile pour échapper aux prédateurs.
Comment vit le Tabac d’Espagne ?
Le Tabac d’Espagne est un amateur de soleil et de nectar. Vous pourrez le croiser du mois de juin au mois de septembre.
On le trouve donc là où ça fleure bon l’été : lisières de forêt, prairies fleuries, clairières, chemins bordés de ronces, landes ensoleillées… S’il y a des fleurs, il y a de fortes chances qu’il traîne dans le coin.

Comme tous les papillons, il est à sang froid. Donc s’il fait frisquet, pas de vol. Il préfère sortir aux heures chaudes de la journée, quand le soleil tape juste ce qu’il faut pour chauffer ses ailes et démarrer le moteur.
Sans soleil, et sans chaleur, ils auraient bien du mal à voler et à se nourrir. Raison pour laquelle il est plus facile de les observer aux heures chaudes de la journée et dans des lieux ensoleillées.
Un papillon... accro aux chemins forestiers
Le Tabac d’Espagne est un spécialiste des clairières et des chemins en forêt. Il adore voler en ligne droite à bonne vitesse, souvent au ras du sol ou des buissons, en zigzaguant un peu comme un pilote de rallye. Si vous le suivez du regard, bon courage !
Des papillons qui vivent chacun leur vie... ou presque
Contrairement à d’autres espèces, le Tabac d’Espagne n’est pas très grégaire : on ne le voit que rarement en grands groupes. Il préfère papillonner en solo, même s’il n’hésite pas à rejoindre les copains sur une fleur bien garnie en nectar. Il a ses priorités.
Où le Tabac d’Espagne passe t’il l’hiver ?
Pas de migration vers le sud pour lui.
Le Tabac d’Espagne passe l’hiver en mode pause, bien planqué sous forme de chrysalide. Il se transforme à partir d’une chenille, puis reste bien à l’abri pendant les mois froids. Au printemps, bim, il ressort tout frais, tout beau, prêt à vivre sa meilleure vie de papillon.
Comment se reproduit le Tabac d’Espagne ?
Chez le Tabac d’Espagne, la séduction, c’est du sérieux.
Monsieur libère ses phéromones (ces fameuses lignes sombres sur ses ailes) pour attirer une femelle. Les phéromones agissent comme des signaux chimiques qui transmettent des informations spécifiques, notamment pour attirer un partenaire sexuel, marquer un territoire, signaler une piste alimentaire, ou avertir de dangers potentiels.
Une fois l’affaire conclue, la femelle part en quête d’un endroit parfait pour pondre… mais pas n’importe où.

Les violettes, mais pas n’importe où !
La femelle ne pond pas directement sur les feuilles des violettes, non non. Elle dépose ses œufs sur un tronc d’arbre, une souche, de l’écorce ou de la mousse, souvent à quelques centimètres du sol, pile là où poussent des violettes. D’où sort cette précision botanique ? Mystère. On ne sait pas si elle les sent, les devine ou s’en souvient, mais elle vise juste.
Et là, surprise : la chenille naît… et ne mange pas. Elle file direct en hibernation, planquée dans une anfractuosité. C’est seulement au printemps, en se réveillant, qu’elle se met en route pour trouver sa première violette à croquer.
Ensuite, elle grandit, mue plusieurs fois, puis se transforme en chrysalide, souvent sous une feuille, au sol, dans un coin discret. Et quand les beaux jours reviennent, le papillon adulte en sort, les ailes toutes neuves, encore froissées. Il les laisse sécher au soleil… et c’est reparti pour un tour !
Au printemps suivant, les adultes émergent, les ailes encore froissées, qu’ils laissent sécher avant de prendre leur envol. Et ça recommence.
Un seul cycle par an... mais quel cycle !
Le Tabac d’Espagne a une seule génération par an (espèce univoltine, si vous voulez faire savant). Ce qui veut dire que tous les œufs pondus donneront des adultes... l’année suivante seulement. Pas de deuxième tournée en automne comme certains autres papillons. Il prend son temps, il soigne sa descendance.
Que mange le Tabac d’Espagne ?
Du nectar, du nectar, et encore du nectar !
Grâce à sa longue trompe, le Tabac d’Espagne aspire le doux jus des fleurs, tout en les pollinisant au passage. Une vraie petite abeille déguisée, qui transporte le pollen sans en avoir l’air.
Les papillons comme lui sont de précieux pollinisateurs, essentiels à la reproduction des plantes. En bonus, ils mettent de la couleur dans nos balades.

Une passion pour le sel
On l’a souvent vu se poser sur les chemins boueux, les bouses de vache séchées, ou même sur les sacs à dos en sueur des randonneurs. Glamour ? Pas vraiment. Utile ? Oui ! Comme beaucoup de papillons, il est attiré par les minéraux et le sel, qu’il absorbe par capillarité. Eh oui, le nectar, c’est bien, mais un petit shot de sodium, c’est mieux pour les muscles.
Protégeons les papillons !
Comme beaucoup de papillons, le Tabac d’Espagne voit rouge. Réchauffement climatique, pesticides à gogo, destruction des prairies fleuries… les menaces sont nombreuses. Il fait partie de ces espèces qu’il faut protéger d’urgence, comme le Machaon ou la Petite Tortue.
Et bonne nouvelle : on peut agir. Dans nos jardins, nos balcons, même sur un coin de terrasse !
Quelques fleurs mellifères, un coin un peu sauvage, des orties laissées tranquilles… et hop, on recrée des petits havres pour les chenilles et les papillons.
Les orties ? Oui oui. Ce sont des crèches à papillons. Beaucoup de chenilles s’en nourrissent. Alors avant de les arracher, pensez à tout ce petit monde qui en dépend.
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