L’histoire végétale des billets de banque
L’histoire végétale des billets de banque est plus surprenante qu’on l’imagine.
Non, vos euros ne viennent pas du bois des forêts, mais bel et bien des champs : coton, chanvre, lin… et même, un jour, de l’oseille-épinard !
Oui, oui, cette grande plante potagère a failli se retrouver à la base de nos billets. De l'Oseille pour faire de l'oseille...avouez que c’est une jolie idée !
Alors, comment passe-t-on d’une plante à un billet qui circule de main en main ?
Voici toute l’aventure botanique et humaine de notre argent.
L’Oseille-épinard : quand le potager rêvait de billets de banque
L’Oseille-épinard (Rumex patientia), de la famille des Polygonacées (Polygonaceae), est une cousine de la Rhubarbe et de l’Oseille commune.
Avec ses grandes feuilles vert sombre et ses tiges fibreuses, elle a intéressé les papetiers du XIXᵉ siècle.
👉 L’idée : exploiter ses fibres solides pour fabriquer un papier résistant.
👉 Le problème : son rendement trop faible et sa culture trop contraignante. L’oseille n’avait pas toutes les qualités requises. Elle poussait trop lentement et il aurait fallu des champs entiers d’oseille pour fabriquer des billets ! Mauvaise idée
Résultat : elle n’a jamais rempli nos portefeuilles, mais elle a laissé une idée amusante : faire de l’oseille avec de l’oseille.

Lin, chanvre et coton : les vraies plantes des billets de banque
En réalité, ce sont trois autres plantes qui ont fait carrière :
- Le lin 🌾 : utilisé depuis l’Antiquité pour les textiles et le papier solide.
- Le chanvre 🌱 : roi des cordages, longtemps utilisé pour les papiers de luxe et la monnaie.
- Le coton 🌸 : champion actuel, issu de chutes textiles, il offre une fibre souple, douce et ultra résistante.
Ces fibres longues et solides sont idéales pour un billet qui doit survivre à des milliers de manipulations (et parfois à un tour en machine à laver…avouez, ça nous est tous arrivé ! 😉).
A découvrir 👉Le Lin, la petite fleur bleue qui nous habille
Comment on fabriquait les billets autrefois
Avant les grosses machines à billets on faisait presque tout à la main :
- Matière première : chiffons de lin, chemises en coton, voiles en chanvre.
- Transformation : on lavait et broyait le tout dans l’eau avec de gros maillets → pâte fibreuse.
- Tamisage : un cadre à tamis plongé dans la cuve retenait une fine couche de fibres → future feuille.
- Pressage et séchage : la feuille humide était pressée pour chasser l’eau, puis séchée.
- Finitions : filigranes, numéros de série et encres spéciales.
👉 Résultat : un papier d’une solidité incroyable, bien plus durable que le papier fabriqué avec de la pâte de bois.
Les premiers billets pouvaient circuler des années, sans tomber en miettes.

La fabrication des billets de banque aujourd’hui
Aujourd’hui, les billets sont composés à 90 % de coton recyclé. La recette :
- Pâte de coton + eau + charges minérales (talc, craie, carbonate de calcium, kaolin, talc, parfois dioxyde de titane)
- Formation de feuilles ultra résistantes à partir de cette « pâte de coton »
- Ajout des sécurités : filigrane, hologramme, encres spéciales, fil de sécurité, micro-perforations laser.
- Vernis protecteur.
👉 Durée de vie moyenne :
- 3 à 4 ans pour les petites coupures (5, 10, 20 €).
- Jusqu’à 10 ans pour les grosses (100, 200 €).
Pourquoi pas du papier ordinaire ?
Le papier « classique » de nos cahiers et livres, fabriqué à partir de pâte de bois est fragile :
- il jaunit avec le temps,
- il se déchire facilement,
- il ne supporte pas d’être plié ou manipulé trop souvent sans finir abîmé.
Bref, il serait impossible de fabriquer des billets capables de survivre dans nos poches, pliés, froissés ou lavés par accident.
👉 C’est pour ça que les billets sont fabriqués avec du coton (et autrefois du lin ou du chanvre) : leurs fibres sont beaucoup plus longues et solides, ce qui rend le billet souple mais quasi indéchirable.
Seules les fibres longues et solides du coton, du lin ou du chanvre offrent la résistance nécessaire.

La fin de vie des billets de banque
Lorsqu’un billet est trop abîmé, la Banque de France le retire, le broie et le recycle.
En France, les fibres récupérées servent parfois de combustible ou de matière première (isolation, plastiques recyclés).
Pourquoi dit-on “avoir de l’oseille” ?
👉 Version officielle (linguistique) : au XIXᵉ siècle, l’argot parisien utilisait déjà les légumes pour désigner l’argent : le blé, les radis, les patates… L’oseille a suivi.
👉 Version poétique : certains aiment croire que ça vient du fait que l’oseille-épinard a servi à fabriquer du papier → donc de l’oseille pour faire de l’oseille.
👉 Verdict : les linguistes penchent pour la première version, celle de l’argot, mais la coïncidence est trop belle pour ne pas alimenter la légende.
Les autres petits noms de l’argent 💸
L’argent, depuis des siècles, a inspiré nos contemporains qui lui ont attribué quantité de surnoms populaires. Et chacun avec sa petite histoire :
Surnoms du potager ou des champs
- Le blé 🌾 : c’est le plus connu. Comme le blé est la base du pain, donc de la nourriture, il est devenu naturellement synonyme d’argent. Sans blé… pas de pain, et sans argent… pas grand-chose non plus.
- Les radis 🌱 : l’expression “ne plus avoir un radis” remonte au XIXᵉ siècle. Le radis était un légume peu cher et vite mangé. Si on n’avait même plus de quoi acheter un radis, c’est qu’on était vraiment fauché.
- Les patates 🥔 : autre légume populaire, la patate a vite trouvé sa place dans l’argot. Avoir des patates, c’était avoir des sous. Une expression très courante à la fin du XIXᵉ siècle.
Quand vous n'avez plus un radis, vous êtes fauché comme les blés, et vous finissez sur la paille....on ne quitte jamais les champs ou le potager quand on parle argent ! 😉
Et les autres surnoms
Expressions qui viennent d'ailleurs
- Le flouze / flouz 💰 : celui-ci vient de loin. Il dérive de l’arabe fulūs, qui désignait une petite monnaie de cuivre. Le mot est arrivé en France par les tirailleurs et les soldats de la coloniale, puis adopté dans l’argot parisien. Aujourd’hui encore, “avoir du flouze” sonne très titi parisien.
- La thune : à l’origine, ce n’était pas “quelques pièces” mais une seule pièce : la pièce de 5 francs frappée à Lausanne (dans le canton de Vaud, en Suisse, surnommé “la Thune”). De là est venue l’expression “avoir de la thune”.
Et les autres...
- Le pèze : il vient du verbe peser, tout simplement. Parce qu’à l’époque où l’argent se mesurait en pièces d’or ou d’argent, on les pesait pour vérifier leur valeur.
- Le fric : au départ, le mot signifiait… repas. On parlait de “fricot” pour désigner un petit plat. Puis, par extension, le “fric” a fini par désigner ce qui permet de se payer à manger : l’argent.
- Les pépettes : « Pépette » était d’abord un surnom affectueux pour une petite fille. Puis, dans l’argot du XIXᵉ siècle, le mot a pris le sens de pièces de monnaie → sans doute par association à quelque chose de petit, mignon. Ensuite, « les pépettes » est devenu synonyme familier d’argent en général.
- Le pognon : viendrait du vieux verbe « pogner » (attraper avec la main, empoigner). Donc, au départ, le « pognon » = ce qu’on a dans la main, ce qu’on tient fermement… et par extension, les sous ! Mais plutôt péjoratif.
- La moula : le terme « moulaga » viendrait lui-même du mot « moulage » → image des liasses de billets qu’on “moule” ensemble, ou du fait d’« avoir la moule » (de l’argot : la chance, donc la richesse). Bref, la « moula » = le fric, mais version rap/jeunes.
👉 L’argent s’est nourri de la terre (blé, radis, patates), des échanges lointains (flouze), des gestes anciens (peser), de la géographie (thune) et même de la cuisine (fric).
Preuve que, dans notre langue, nous n'avons jamais manqué d’imagination pour parler argent !

Histoire des billets de banque : l’Oseille qui circule
Alors oui, l’oseille-épinard a flirté avec l’histoire du papier. Mais ce sont le coton, le lin et le chanvre qui ont vraiment bâti nos billets.
Finalement, cette idée reste vraie : c’est bien avec l’oseille qu’on a tenté de faire de l’oseille… mais pas celle de la soupe !
FAQ Vos questions sur les billets de banque
Parce qu’ils sont faits en fibres de coton longues et résistantes, pas en pâte de bois.
Oui ! La plupart survivent très bien (évitez le sèche-linge quand même).
3 à 4 ans pour un billet de 5 € et jusqu’à 10 ans pour un billet de 100 €.
À Chamalières (Puy-de-Dôme), dans l’imprimerie de la Banque de France.
Entre 7 et 16 centimes, selon la coupure et le niveau de sécurité.
Envie de poursuivre votre promenade parmi les plantes ?


